S. est un récit de souvenirs, dans lequel Gipi dessine en quelques moments clés la vie de son père récemment décédé. Entremêlant ses propres souvenirs d’enfant et d’adolescent — amplifiés, déformés, chimériques — sous forme de petites anecdotes du quotidien, que l’on devine maintes fois racontées au cours des repas familiaux, il reconstruit l’image d’un père impressionnant, aimé et admiré.
Ce sont aussi les souvenirs de la guerre, des bombardements, des morts. Des histoires de peur au ventre, d’un père caché dans les clapiers à lapins, en entendant les bombes, comme celle d’un fils, contraint de passer la nuit seul avec son cousin, sur une plage, dans le froid…
Des histoires qui ont régi la vie d’un homme et de sa famille, provoquant silences, incompréhensions et conflits sourds. Par fragments, choisissant une narration déstructurée, au rythme saccadé, Gipi reconstitue sa propre histoire, mêlant ce que l’on ressent enfant et ce que l’on comprend adulte.
Une bio et autobiographie qui évitent tous les pièges convenus du genre pour donner à l’être humain la force de ses ambiguïtés.
Sur une plage, un homme se sent mal. On appelle les secours, il est conduit dans une clinique spécialisée. On suspecte une schizophrénie subite, avec des attitudes obsessionnelles compulsives à orientation monothématique…
L’homme, Silvano Landi, est un écrivain qui n’écrit plus.
Un inventeur d’histoires qui vivait en écoutant des histoires et en en racontant à son tour. Un créateur de mondes qui n’est plus capable à présent que de dessiner sur une feuille la stylisation de deux obsessions : un arbre mort et une station-service. De les dessiner des centaines, des milliers de fois :
un arbre mort et une station-service.
Et entre les deux, à peine l’espace pour le souvenir d’une fille distante, des enseignements d’un père, d’une épouse qui l’a quitté, d’une sale guerre…
Des histoires entremêlées dans la tête de Silvano, fragments décomposés qui cherchent leur lieu et leur raison d’être dans la construction d’une Histoire, la sienne. Celle à laquelle il cherche à échapper ou celle dans laquelle il pourrait se réfugier, pour pouvoir enfin se reconnaître.
C’est dans une station-service isolée, une nuit, que sa femme l’a quitté, emmenant avec elle leur fille. C’est là que ses amours se sont perdues.
« C’est là que tout a commencé à se dégrader. »
Ailleurs, sur un champs de bataille de la Première Guerre mondiale, dans le no man’s land qui sépare les belligérants, se dresse un arbre mort et solitaire. À son pied, dans un trou d’obus, un soldat écrit et pense à la femme qui l’attend, à son enfant qu’il aime tant.
Le soldat s’appelle Landi, lui aussi.
Est-ce l’aïeul de l’écrivain ?
« Un jour, deux nouveaux flics sont arrivés dans le quartier. Ils venaient de la capitale, et appartenaient à la police antiterroriste, on ignorait pourquoi on les avait envoyés chez nous, en province, où il ne se passait rien »
Andrea, jeune garçon doux et tranquille, est ravi de passer la journée avec son oncle qu’il voit peu ; au lieu d’une excursion dans un parc d’attractions, le tonton l’embarque pour une virée imprévue chez un vieil ami perdu de vue depuis l’adolescence, un copain d’enfance tout juste sorti de prison.
Une histoire imprévisible, un portrait dur mais réaliste de la vie en province.
Gipi pose la question de la vie après l’épreuve ; tentation de se venger ou savoir pardonner. Comme dans un jeu d’enfants on se dit après l’épreuve « un jour je le tuerai » puisqu’on s’en veut de n’avoir pas été le plus fort.
« Sans raison particulière, cette idée de l’enfer en construction effraie passablement l’homme qui a traîné le type en pyjama au milieu de la route (de façon à ce qu’il puisse se faire descendre avec plus de facilité). « Si l’enfer était vraiment en construction » (se surprend-il à penser), « les nuits comme celle-là pourraient servir de parpaings ».
Chez Gipi, les hommes ont aussi le défi d’être heureux dans le présent mais le souvenir d’un drame est souvent plus fort.
Trait simple et texte à l’os ; on se souvient longtemps de ses histoires de petits héros ordinaires…
Avec S, Gipi avait signé, déjà, un très beau récit basé sur le souvenir de son père récemment disparu. Il poursuit cette veine autobiographique avec Ma vie mal dessinée, en, creusant plus profondément encore dans la chair et dans l’âme de l’auteur. S’adressant directement à ses lecteurs, Gipi nous fait tout partager : ses peurs, ses maladies, ses souffrances, ses inhibitions, ses descentes aux enfers, mais aussi ses amitiés, ses réflexions, ses bonheurs.
Pas de pathos dans ce livre, pas d’apitoiement sur soi, pas de tentative hagiographique mais un livre foisonnant, où les digressions apparentes révèlent un sens de la narration en tous points remarquable. Un livre fort, rebelle, fou et gracieux, où l’humour et la dérision ne sont pas en reste. Une écriture magnifique, tant graphique que littéraire, qui font de Ma Vie mal dessinée un livre exceptionnel.
Septembre 2011. Margot, 23 ans, décide de quitter Paris pour Berlin et débuter sa vie professionnelle dans le milieu de la culture. Berlin est une des villes parmi les moins chères d’Europe de l’ouest et bénéficie surtout d’une image tellement plus débonnaire, créative, plus vivante, moins affolante que Paris où elle étouffe. Là-bas, le marché du travail semble plus prometteur.
Une fois installée, alors qu’elle prend des cours d’allemand avec des jeunes venus du monde entier, Margot sent qu’elle a fait le bon choix. Tout lui semble possible : la vie est plus douce et les premières rencontres lui permettent de s’intégrer rapidement. Vernissages d’expos, sorties au parc ou en club techno, le temps passe vite… il lui faut maintenant une activité rémunérée.
Ici, les boulots se trouvent via les réseaux sociaux, sur le net ou par Facebook. Plusieurs opportunités s’offrent à elle assez vite dans des start-up. L’ambiance y est jeune et décontractée. Mais, comme le lui conseille une amie : « Après, le salaire… ce sera à toi de juger. Mais c’est toujours une histoire de compromis. » De simples stages non rémunérés aux contrats précaires payés 400 € par mois pour des horaires à rallonges avec licenciement sans préavis, Margot va alors découvrir la face cachée de ce « modèle allemand ».
L’optimisme et la motivation de cette émigrée diplômée sont mis à l’épreuve lorsque la réalité de la ville et de la crise européenne finissent par se confronter à ses attentes.
Comment peut-on être berlinois aujourd’hui ? Inspirée de sa propre expérience outre-rhin, Mathilde Ramadier raconte le parcours d’une jeune femme partie à Berlin en quête d’une vie meilleure, dans cette ville moderne toujours en mouvement, où le marché de l’emploi semble d’avantage prometteur avec ses start-up sur internet, alors que la France s’épuise à vaincre une crise économique inquiétante.
Mais, petit à petit, le modèle allemand ultra libéral révèle des failles…
Aurel est le dernier représentant d’une famille d’artisans ardéchois qui se transmettent la menuiserie familiale de générations en générations.
Lui, a décidé il y a quelques années de suivre une autre voie. L’entreprise de son père va fermer. Les ouvriers vont devoir trouver du travail ailleurs. Il va falloir aussi trouver à vendre les machines. Y aurait-il un repreneur pour cette structure entretenue avec cœur et sérieux depuis des décennies ?
De cette chronique familiale toute en retenue, Aurel aborde des questions prosaïques sociologiques et politiques : qu’est-ce qu’une petite PME familiale, quelles sont les difficultés de diriger et travailler dans une telle entreprise, au fin fond d’un petit village loin de tout. Les ouvriers parviendront-ils à reprendre l’entreprise en montant une SCOP (Société coopérative et participative) ?
Aurel est retourné dans son village d’enfance. Il a suivi et interrogé son père, les ouvriers et lesclients de la menuiserie, mais aussi sa grand-mère, qui continue de recevoir son fils toutes les semaines à déjeuner, ouvrant sa cuisine à l’instar d’un Q.G de campagne où l’on fait le point, où l’on prend des décisions, où l’on convoque le passé pour aider à préparer l’avenir.
La menuiserie est un voyage intimiste au cœur de la France, loin des clichés des journaux télévisés, qui nous invite également à réfléchir sur nos choix de vie, et l’avenir promis à ces petites fabriques qui résistent encore à la mondialisation… mais pour combien de temps ?
Un voyage intimiste au cœur de la France qui résiste encore à la mondialisation...
C’est le récit d’un voyage. Celui d’Antonin Artaud, en 1937, au cœur de la sierra mexicaine à la rencontre des indiens Tarahumaras. Un voyage à la recherche des racines ancestrales du Mexique qu’Artaud veut découvrir pour « en ramener des enseignements à l’Europe ».
Ecrivain, dessinateur et poète français, Antonin Artaud est né en 1896 à Marseille. Théoricien du théâtre il a également été comédien dans 25 films de fiction. Il est mort en 1948, interné à Ivry sur Seine après de nombreux séjours en psychiatrie depuis tout jeune homme. Il a notamment publié Van Gogh le suicidé de la société, et enregistré Pour en finir avec le jugement de Dieu.
Antonin Artaud arrive à Veracruz au Mexique. Son but ? Partir à la recherche de la civilisation originelle mexicaine. Mais tout d’abord il s’agit de trouver de la drogue, qui lui manque cruellement. Se succèdent des crises d’angoisse, de manques et des phases d’apaisement. Il donne quelques conférences et écrit. Il souhaite découvrir la culture indienne dont il déplore l’écrasement et dont il loue les immenses potentialités. Il appelle en vain la révolution mexicaine de se plonger dans les racines ancestrales du Mexique pour bâtir l’avenir du pays plutôt que de reprendre le socialisme scientifique européen. En septembre 1936, il se rend à cheval, accompagné d’un indien métis, dans la sierra mexicaine pour rencontrer les indiens Tarahumaras. Un séjour qui va changer sa vie…
Maximilien Le Roy raconte cette quête intime, artistique et politique de l’écrivain. Zéphir restitue par la force de son dessin brut et presque âpre, l’expérience sensorielle que fut, pour Antonin Artaud ce départ vers des terres dont il attendait tant.
Il existait à Brest, depuis 1971, une usine portant les doux noms d’Ericsson, Thomson, Alcatel puis enfin Jabil. Mais les enjeux économiques, la recherche du profit et les avancées technologiques ont fini par avoir raison de ce bassin d’emplois que chacun aspirait à préserver. Le 30 septembre 2015, l’usine brestoise de matériel électronique Jabil, fermait définitivement ses portes.
Cette mémoire ouvrière, cinq femmes, licenciées ou retraitées, ont voulu la maintenir vivante. Au hasard des rencontres et des manifestations, elles se sont retrouvées à écrire et jouer une pièce de théâtre, Politique Qualité, inspirée de leur vraie vie.
Sébastien Vassant les a suivies, écoutées, regardées.
Ce parcours humain étonnant, il le révèle tout en justesse. Allant à la rencontre de ces femmes, qu’elles soient mères de famille, amantes, militantes et même tous ces rôles d’une vie à la fois, elles sont devenues porte-parole d’une population qui ne l’a pas souvent. On découvre des femmes uniques, habitées, qui transcendent leurs espoirs et leurs déceptions par l’apprentissage de la comédie ; du pouvoir salvateur de l’art, de la parole et du collectif.
« Pour le pouvoir économique, elles ne s’appellent ni Yvonne, ni Marine, ni Jeannine, ou Hélène. Non, elles s’appellent toutes… le Facteur humain ».
Alors âgé de 77 ans, Albert Cohen publie un livre qui révèle l’événement marquant qui a dévasté son enfance et marqué sa vie : sa découverte de l’antisémitisme.
Le jour de ses dix ans (en 1905), le jeune Albert arpente les rues marseillaises à la recherche d’un petit cadeau pour sa mère. Il est fasciné par le bagout d’un camelot qui s’adressera pourtant à lui en le traitant de « sale youpin ! ».
Les insultes antisémites résonneront pour toujours à ses oreilles.
Dans ce livre intense, triste mais sans virer jamais au pessimisme, Albert Cohen déploie la beauté de son écriture lyrique pour montrer la violence de sa blessure enfantine. Un beau livre, malheureusement intemporel, qui fait réfléchir sur l’absurdité de toutes les formes de racisme et de discrimination.
Plus de cent après les faits, Luz s’empare de ce récit autobiographique pour en donner une version illustrée poignante et inédite. Sans jamais trahir l’oeuvre de l’écrivain, il raconte l’intégralité de l’histoire mais ne garde du livre que le monologue destructeur du camelot et la puissance du texte des trois derniers chapitres, qui évoque les camps de la mort.
Hubert était champion de boxe. Sa fille, Barbara, est aujourd’hui photographe et cinéaste. Un récit autobiographique poignant.
L’album est accompagné du DVD du film écrit et réalisé par Barbara Pellerin. Ce que le film ne dit pas, le livre le montre. Deux récits complémentaires qui révèlent le portrait unique d’une relation d’un père à sa fille.
« Cadet d’une famille de quatorze enfants, mon père a l’habitude de se faire respecter avec les poings. À 18 ans, galvanisé par un titre de champion de France Espoir, il interpella ma mère dans la cour de la filature Badin [à Barentin, en Seine-Maritime] pour lui raconter un rêve qu’il avait fait la nuit même : l’épouser. Durant dix-sept ans, ma mère accompagna ses victoires et ses défaites.
Pourtant, de leur histoire je ne me souviens que des disputes, de mon père fou de rage, fou d’amour, fou de jalousie, fou d’une violence qui le dépassait.
J’ai baigné dans la crainte d’un débordement, d’un coup de folie, du meurtre. Imprévisible, il se transformait brusquement en un volcan de fureur que rien ne semblait pouvoir arrêter, même pas moi. […] « Au milieu d’un gouffre creusé depuis l’enfance, la boxe deviendra un virage, une virgule, un trait d’union entre mon père et moi. Je parviens à me fondre au milieu des boxeurs qu’il entraîne. Pas à pas, je le guette, l’observe, et me rapproche. Trop loin, soudain trop proche, il se dérobe, je le repousse, il me regarde. Lorsque je commence à comprendre que ce film prend le chemin d’une quête, celle sans doute impossible de comprendre mon père, la vie s’arrête brusquement un dimanche matin de novembre. »
Barbara Pellerin
Juin 1984.
Un taxi dépose Anna Laurens au Grand Tetras, un hôtel de Saint-Véran, dans le Haut Queyras. Le propriétaire de l’hôtel a envoyé un courrier à sa mère, de la part d’un de ses pensionnaires, Winston Smith. Celui-ci a disparu il y a quelques semaines en montagne. À 80 ans passés, il vivait à l’hôtel depuis des années. Il avait remis au propriétaire une lettre pour elle au cas où il disparaîtrait.
Mais cela fait 4 ans que la mère d’Anna est morte, elle est donc venue à sa place, intriguée par le message d’un homme qu’elle ne connaît pas et qui dit avoir bien connu sa mère autrefois.
En entrant dans la chambre de Winston Smith, restée en l’état, elle découvre une malle cabine avec de nombreux souvenirs et photos. Et un manuscrit, intitulé Life. Le journal de Winston Smith écrit pour sa mère. Un manuscrit qui devrait répondre à toutes ses interrogations et qui commence en 1916, au collège de Lands Priors en Angleterre et se poursuit dans ce deuxième tome au prestigieux collège d’Eton.
« Derrière son apparente innocence enfantine se dissimulaient déjà les traits de l’homme en devenir, un être égoïste, comploteur, fourbe, perfide et menteur »
Mais qui était Winston Smith, homme de lettres au destin hors normes ?
Cet écrivain et reporter anglais, né en 1903 et mort en 1984 va traverser le XXème siècle et faire des rencontres marquantes avec Aldous Huxley et George Orwell notamment.
Dans ce deuxième volet, on continuera de découvrir qui fut Winston Smith adolescent. Élève à la prestigieuse et très huppée université d’Eton, matamore né…
Après Martha Jane Cannary et Kongo, voici la nouvelle biographie romanesque de Christian Perrissin, mis en image avec souffle par Guillaume Martinez.
En se replongeant dans ses cahiers intimes, notes, croquis, photos prises au Japon lors de ses nombreux voyages, le désir est venue à Igort de faire un livre sur la culture japonaise. Il faut dire que c’est un domaine qu’il connaît bien. Il est l’un des rares auteurs occidentaux à avoir travaillé directement pour un éditeur japonais, et cela, durant onze années.
Après avoir fait un tour d’horizon de l’édition manga au Japon vue de l’intérieur, les méthodes de travail, les relations avec les éditeurs de Kodansha publishing, il nous entraîne tout naturellement dans son sillage à la rencontre d’artistes qu’il a eu la chance de côtoyer comme Jirô Taniguchi, Katsuhiro Ôtomo…
En sa compagnie et celle d’Hayao Miyazaki, nous visitons les studios Ghibli. Remontant le temps, Igort nous plonge également dans la beauté de oeuvres d’Hokusai et Hiroshige.
Le cinéma non plus n’est pas oublié, avec un chapitre consacré à L’empire des sens et une rencontre avec Takeshi Kitano.
Fort bien documenté, l’ouvrage d’Igort n’oublie pas de replacer les oeuvres ou auteurs cités dans leurs contextes culturels et historiques.
Jean, la trentaine heureuse, est employé municipal en province. Célibataire, il mène une vie paisible le jour, et passe ses nuits sur Internet. Il aime dialoguer avec des inconnus aux pseudonymes extravagants, télécharger des films pornographiques, écouter de la musique, jouer à des jeux en ligne d’une grande violence où le massacre est de mise.
Sa vie en ville se confond à sa vie d’internaute, les échanges nocturnes avec Timfusa qui semble vivre dans le Wyoming sont aussi nécessaires que de tomber amoureux de Carine au fil des jours.
Jusqu’à ce que Jean soit rattrapé par la réalité de la vie qui passe, et de la maladie qui l’emportera.
Un livre de bande dessinée qui épouse le prisme éclaté de nos écrans ouverts et déshabille les pratiques internautes débridées.
Histoire d’amour et de rencontres, La Vraie vie est un roman graphique qui révèle avec acuité et sagacité la place accordée désormais à Internet dans notre mode de vie.
L’Hypermarché est-il un ogre qui dévore et détruit tout sur son passage ou est-il source de développement ?
Comment fonctionnent les filières d’approvisionnement ?
Les producteurs locaux sont-ils les laissés-pour-compte de ce gigantisme ?
Les clients sont-ils les victimes de la guerre économique liée au modèle de consommation ou en sont-ils les bénéficiaires ?
Les hypermarchés sont-ils responsables de la malbouffe ?
Le petit commerce et la vie des centres-villes sont-ils victimes ou coupables de ne pas s’être adaptés ?
En 1972, en périphérie d’Hénin-Beaumont, sortait de terre le plus grand hypermarché de France, le Grand A. 40 ans plus tard, les auteurs dressent le portrait de cette ville dans la ville. À la construction du Grand A, nul ne savait quelles seraient les conséquences de sa présence sur le centre-ville d’Hénin-Beaumont et sa région.
Aujourd’hui, le taux de chômage est très élevé dans la commune, mais le Grand A en demeure le poumon économique Pour mieux comprendre le fonctionnement de cet hypermarché, les auteurs ont interrogé des clients, bien sûr, mais aussi, des caissières, des employés, la direction, des agriculteurs et des fournisseurs. Ainsi que les commerçants délaissés du centre-ville.
1867. Pittsburgh, États-Unis d’Amérique.
Dans la ville industrielle grouillante et riche, Joseph Wallace, 33 ans, est photographe et tire le portrait des nombreux notables, ce qui lui assure une vie confortable mais sans possible fantaisie artistique. Il s’engage à suivre l’expédition dans les Montagnes Rocheuses. Le programme dirigé par le Docteur Walter est financé par le Gouvernement américain afin d’explorer de nouvelles zones à cartographier et découvrir si de nouveaux gisements d’or ou de charbon sont exploitables, s’il existe, toujours plus loin, d’autres terres à coloniser.
Parmi les plus éminents scientifiques de la côte Est, Joseph Wallace a pour mission de photographier les régions traversées, le relief, la végétation, et aider à cartographier le territoire. Mais l’expédition se révèle être un voyage intime sans retour.
Suivant le dédale géographique, Wallace entame un cheminement artistique. Le tranquille époux et père de famille rencontre les Indiens Sioux Oglalas et sa vie va s’en trouver changée. Il est désormais Etunwan, Celui-qui-regarde. De retour en ville il n’aura de cesse de vouloir retourner en terres indiennes, d’autant qu’il a aimé corps et âme la femme papillon. Le projet d’envergure humaniste, ethnographique et artistique devient une nécessité pour lui qui connaît « un détachement lent, progressif, physique et cérébral » du monde blanc, telle une mue animale pour appréhender le réel d’une façon nouvelle, alors que la photographie est un art neuf en rapide évolution technique.
La mission artistique du photographe est là : ne plus seulement reproduire la réalité des êtres et des choses mais les sublimer. Il faut raconter avec le regard. Au-delà de tout progrès technique.
C’est là l’essence de son art, c’est ce qu’il aura solennellement appris de ces voyages à l’Ouest.
Etunwan, Celui-qui-regarde n’est pas un western. C’est le récit romanesque en bande dessinée du génocide amérindien à travers l’oeil du photographe, nommé « l’attrapeur d’ombre » chez les Sioux. L’histoire d’une beauté qui se perd, d’un monde qui se meurt. Un récit certes très documenté, mais où l’inspiration, le goût de l’écriture, la maturité de son graphisme prennent toute leur mesure. Etunwan est une oeuvre très singulière et personnelle de Thierry Murat qui pour ses derniers livres s’était associé à d’autres signatures : Rascal, Ernest Hemingway…
Un livre étape dans les méandres de l’exploration passionnée de la création artistique.
Paris, de nos jours, dans la torpeur de l’été.
Les sens sont en éveil, les corps exultent. Robinson connait la crise. Celle de son entreprise, celle de son couple. Son vidéo club est en perte de vitesse et sa petite amie le quitte. Il trompe l’ennui avec la gironde Amandine et c’est un fiasco. Son vieux père débarque après une énième scène avec sa femme, sa sœur s’inquiète de la disparition de son ado, Gaspard, qui aurait une maîtresse plus âgée. Or, la voisine de Robinson a disparu elle aussi.
Amandine, de son côté, qui craint une ablation des seins, retrouve son amie Charlène de retour du Pérou où elle a laissé son amoureux. Elle est à la recherche de son père biologique. Un patron de vidéo-club...
Chronique douce-amère inspirée des nouvellistes américains, L’Inversion de la courbe des sentiments raconte un quotidien urbain où le palpitant est fragilisé. Jean-Philippe Peyraud a l’écriture et le dessin cynique et pétillant. Il est l’auteur des choses de la vie qu’il sait raconter puisqu’il sait observer le monde. Il travaille, malicieux, sensible un dessin a priori léger pour servir mieux encore une histoire romantico-cruelle qui finit bien comme dans les contes. L’humour se dispute au grave, l’intime se conjugue à l’absurde. La vie n’est pas toujours rose, ni l’herbe plus verte ailleurs, et l’on voit rouge parfois.
Peyraud sait rendre la thermographie de nos existences d’adultes chahuteurs. L’Inversion de la courbe des sentiments est une fantaisie en couleurs acidulées, une friandise qui pique. C’est le grand manège. Le tourbillon de la vie !
Née le 1er mai 1852 dans le Missouri, elle est l’aînée d’une famille de six enfants. Ses parents, de pauvres agriculteurs décident de tout abandonner pour aller vers l’Ouest, à Salt Lake City, où vit la plus grande communauté mormone. Elle a 15 ans quand ses parents meurent. Élevant seule sa fratrie, elle se retrouve contrainte de les abandonner pour ne pas avoir à se marier avec un homme qui la convoite.
Sa vie aventureuse commence. Un peu partout sur les territoires des Wyoming, Dakota et Montana, on repérera le passage de cette extravagante jeune femme, cocher de diligence un jour, serveuse de saloon le lendemain, cow-girl, sage-femme, poseur de rails… mille petits boulots qui contribueront à lui tailler une réputation sulfureuse dans un Ouest à la fois sauvage et puritain et qui lui vaudront son surnom. Christian Perrissin : l’envie, c’était de ne pas faire un western, mais le portrait d’une femme qui refuse de se soumettre au diktat des hommes.
Martha Jane Cannary s’est battue jusqu’au bout de sa vie pour échapper à ce carcan et elle y a laissé sa santé. Le dessin de Matthieu est idéal pour un portrait intimiste.
1944 : Louis-Ferdinand Céline, Lucette son épouse, et le chat Bébert quitte Paris bombardé. Traversant l’Allemagne en ruines, ils rejoignent Sigmaringen où s’est réfugiée la communauté française collaborationniste, et où ils retrouvent le comédien Robert Le Vigan qui a quitté le tournage des Enfants du paradis. Cerné par des personnages piteux et minables, voire carnavalesques, le drame tourne à la fable burlesque.
De cet épisode historique réel, Céline a écrit D’un château l’autre, Nord et Rigodon. Christophe Malavoy, comédien intuitif et liseur attentif de littérature, féru de l’écriture Célinienne a eu l’envie et l’audace d’adapter la trilogie allemande de l’auteur de Voyage au bout de la nuit avec la complicité des frères Brizzi, ténors du film d’animation français.
Martin Eden est le roman le plus autobiographique de Jack London et l’un des livres majeurs de la littérature du XXe siècle.
Martin Eden est un jeune marin né dans les bas-fonds d’Oakland. Un soir, il défend un jeune homme lors d’une rixe. Celui-ci, fils d’une famille aisée, l’invite chez lui à dîner pour le remercier. À cette occasion, Martin rencontre sa soeur, Ruth Morse, jeune fille délicate, dont il tombe éperdument amoureux.
Il décide de s’instruire pour la conquérir. Petit à petit, d’abord pour lui plaire, puis avec le goût d’apprendre toujours davantage, il devient un homme cultivé et s’efforce de devenir célèbre en devenant écrivain. Malgré le talent qu’il pense avoir, il n’arrive pas à vivre de sa plume. Tous ses manuscrits sont refusés par l’Édition.
À la suite de la parution d’un article dans un journal local dans lequel il est présenté comme socialiste, ce qu’il n’est pas, Ruth le quitte. Il n’a plus le goût d’écrire, mais brusquement il devient un auteur à succès.
Martin Eden part pour s’établir sur une île du Pacifique. Sur le bateau, n’ayant plus le goût à rien, usé par l’hypocrisie ambiante, il se laisse glisser sur la mer.
Aude Samama, talentueuse illustratrice, travaille sa peinture jusqu’à l’épure, avec pour inspiration l’expressionnisme allemand, en résonance avec le récit délicat de Denis Lapière sur la fragilité et la complexité des êtres.
Sept ans après la publication de son roman, Jack London est retrouvé mort chez lui, le 22 novembre 1916, le sang empoisonné. Très certainement suicidé.
Aventurier, marin, romancier, né en 1876 sous le nom de John Griffith Chaney, Jack London est l’un des premiers écrivains à avoir fait fortune avec sa littérature, s’inspirant de ses propres expériences dans son milieu de naissance.
Au lendemain de la guerre 14-18, un ancien soldat allemand, Werner, erre quelque part en Indochine. De la guerre il garde une blessure à l’endroit du coeur. Un ami, Georg, l’a sauvé d’un tir ennemi mourant à sa place. Werner se sent coupable de cet épisode. Georg avait femme et enfants. Werner pense qu’il ne pourra racheter ce sacrifice que s’il parvient à trouver l’amour et fonder une famille à son tour.
Dans l’Indochine française, il est surtout un paria rejeté des colons. Il vit de menus travaux, et échoue dans une petite ville du Laos, Savannakhet. Il trouve refuge dans une énorme manufacture pareille à une forteresse de style chinois.
Son activité est obscure : des matériaux entrent dans l’enceinte, une armée d’employés s’active. Ils sont étranges, vieux, gris, mutiques, éteints.
Dans la ville, tout le monde craint la famille chinoise qui possède la manufacture. Des histoires courent à son propos. On dit qu’elle est maudite, prisonnière d’un mal tout-puissant. Les maîtres auraient une fille unique, atteinte d’une maladie rare qui lui interdit de s’exposer à la lumière du jour. La jeune fille ne sortirait de sa chambre qu’à la nuit tombée pour se promener au bord de l’étang, dans la cour intérieure.
Pour vérifier ces rumeurs, Werner se cache dans le jardin et attend la nuit…
Après L’Art du chevalement, Loo Hui Phang et Philippe Dupuy reviennent ensemble avec un conte fantastique et sensuel, une histoire de vampire chinois, dans l’Indochine des années 20…
Un récit hypnotique écrit par l’auteur de L’Odeur des garçons affamés (avec Frederik Peeters au dessin, publié aux Éditions Casterman) sublimé par le dessin tout en poésie de Philippe Dupuy, Grand prix d’Angoulême 2008.